L'info vient du livre de Michel Beurdeley "Peintres jésuites en Chine au XVIIIe siècle". Paru en 1997, ce livre explique le rôle artistique et scientifique que jouèrent en Chine ces religieux européens, notamment dans la conception de certains éléments du Palais d'Eté, le fameux yuanmingyuan (jardin des jardins), pillé et détruit en 1860 par les troupes françaises et britanniques lors de la Troisième Guerre de l'Opium. L'auteur y explique avoir découvert un jour dans un hôtel particulier de l'avenue Foch les têtes de bronze du lièvre et du rat, d'ailleurs reproduit dans le livre, mais ne cite pas leur propriétaire. Beurdeley ajoute qu'elle pourrait être passées par les multiples ventes d'objets en provenance du yuanmingyuan organisées à l'hôtel Drouot de 1861 à 1865. Il reproduit aussi un dessin paru dans la revue l'Illustration du 22 décembre 1860 qui montre les troupes françaises dans le Pavillon de la Mer Calme, qui confirme que les animaux de la fontaine-horloge installée en 1751 étaient bien encore là en 1860.
Les témoignages d'Européens sur le yuanmingyuan sont presque extatiques, ainsi celui du Jésuite français Jean-Denis Attiret, dans une lettre du 1er novembre 1743 : "tout y est grand et véritablement beau, soit pour le dessin, soit pour l'exécution, et j'en suis d'autant plus frappé, que nulle part rien de semblable ne s'est offert à mes yeux (…). Ce palais est au moins de la grandeur de Dijon (…). Il consiste en général dans une grande quantité de corps de logis, détachés les uns des autres, mais dans une belle symétrie, et séparés par de vastes cours, par des jardins et des parterres. La façade de tous ces corps de logis est brillante par la dorure, le vernis et les peintures. L'intérieur est garni et meublé de tout ce que la Chine, les Indes et l'Europe ont de plus beau et de plus précieux." Attiret était natif de Dôle, d'où la comparaison avec Dijon.

Reste la question : Où sont les autres animaux de la clepsydre ? Le tigre, le cochon, le singe et le boeuf sont donc déjà dans des musées de Chine, où les rejoindra le cheval récemment acheté par Stanley Ho (voir ce précédent billet de La Gazette). Aucun élément sur le dragon, le coq, le serpent, le mouton et le chien.

Le sanglier a déjà reparu une fois, pour être vendu le 9 octobre 1987 à Sotheby's New York, dans une vente qui proposait d'ailleurs aussi le singe, les deux bronze venant des mêmes propriétaires . Le sanglier fut vendu 104 500 $, et le singe 165 000 $. Le sanglier n'a pas ressurgi depuis, mais la tête de primate re-apparût à Christies Hong Kong en avril 2000, où elle fut adjugé pour 8 185 000 HK Dollars, soit environ à peu 1 Million de dollars, soit 700 % de hausse en 13 ans !



Or le cheval s'est donc vendu 8,8 millions de US dollars en septembre dernier, soit cette fois 800 % de hausse en 7 ans ! Il faut noter que l'animal était en couverture du coffret emboitant les deux volumes du catalogue de la vente en question de Sotheby's Hong Kong, et l'un des deux, consacré à des objets en principe issus du yuanmingyuan, reprennait le nom du mythique palais en couverture. De quoi valoriser au mieux le potentiel dramatique du sort de ces objets arrachés à leur pays natal, affront flagrant au nationalisme chinois. D'où l'achat de Stanley Ho, et les prix faramineux, pour des objets de style interlope, mélange de culture chinois et occidental, et objectivement moins beau et moins ancien que bien d'autres objets mis en vente récement.
En tout cas, ces niveaux de prix pourrait bien sûr faire ressurgir les bronzes disparues, d'autant que chaque animal retrouvé augmente mécaniquement la valeur et la rareté du suivant. Quelle sera le prix de la douzième tête, si elle apparaît un jour ?